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Remettre en question le capacitisme systémique envers l’autisme

 

 

Les campagnes de sensibilisation à l’autisme décrivent souvent les personnes autistes négativement comme des casses-têtes à résoudre. Quelles sont les façons de remettre en question cette vision ? Les professeur.e.s Patty Douglas et Michael Orsini cherchent à répondre à cette question dans cet article. La version originale de cet article se trouve sur The Conversation Canada.

Avril est le mois mondial de l’autisme. Il a démarré le 2 avril, journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Celle-ci a donné lieu à un mois d’activités et d’événements dans le monde entier. Cela inclut la campagne « Light It Up Blue » d’Autism Speaks. Chaque année, des points de repère importants au Canada et dans le monde, comme la Tour CN de Toronto, la Tour de la Paix d’Ottawa et la Place C.B. de Vancouver, s’illuminent en bleu pour promouvoir la sensibilisation et la compréhension du public.

Qu’y a-t-il de mal à mener une campagne de sensibilisation à l’autisme ?

Le Mois mondial de l’autisme et « Light It Up Blue » ont fait l’objet de protestations de la part de défenseurs des droits des autistes et d’organisations telles que Autistics for Autistics (Ontario) et le groupe national Autistics United Canada.

Les défenseurs des droits soulignent l’absence de leadership autistique dans les campagnes de sensibilisation. De plus, ils décrivent comment les puissantes organisations de défense qui les financent – dirigées principalement par des non-autistes – continuent à dépeindre les personnes autistes de manière négative, comme de mystérieuses énigmes à résoudre. Elles continuent à se concentrer sur les remèdes à l’autisme ou sur les thérapies visant à « réparer » les personnes autistes.

À première vue, on pourrait croire que les organisations de l’autisme tiennent enfin compte des préoccupations des défenseurs des droits des autistes. Des mots tels que « inclusion », « diversité », « acceptation » et « compréhension » émaillent leurs campagnes. Pourtant, ces organisations persistent à promouvoir la rhétorique de l’autisme comme un fardeau et un trouble. Elles excluent également souvent les personnes autistes de la direction.

En tant qu’alliés, parents et chercheurs critiques sur l’autisme, nous comprenons le besoin urgent de sensibilisation, de défense et de recherche. Les résultats de notre projet « Re-Storying Autism » montrent que les enfants et les adultes autistes connaissent des taux plus élevés de:

  • Intimidation
  • Problèmes de santé mentale
  • Incompréhension
  • Éducation inférieure
  • Sous-emploi
  • Mort prématurée

Les familles luttent contre les effets stigmatisants de l’incompréhension et le manque d’aide significative ou culturellement pertinente. C’est particulièrement vrai pour les personnes autistes racialisées et leurs familles. Celles-ci sont confrontées à des formes aggravées d’exclusion et de préjudice.

Au lieu de communiquer votre intérêt ou votre préoccupation par le biais de campagnes de sensibilisation et d’illuminer en bleu cette année, pensez à vous renseigner sur les initiatives menées par des personnes autistes, telles que #RedInstead, le Mois de l’acceptation de l’autisme et d’autres. Voici cinq choses que les personnes autistes disent depuis des années requérant l’attention de ceux prétendant intervenir en autisme :

1. Sensibilisation

L’idée qu’une « sensibilisation » à l’autisme est nécessaire suggère qu’il existe une ignorance généralisée de l’existence de l’autisme. L’explosion de la défense des droits des autistes, leur présence dans les médias sociaux et leur représentation dans les médias grand public et les émissions de télévision comme Atypical suggèrent le contraire (bien que les médias grand public limitent encore la diversité de la représentation).

On considérait autrefois l’autisme comme une maladie rare. Or, il faudrait être très déconnecté pour ne pas en avoir conscience aujourd’hui. Plutôt que de sensibiliser, nous devons remettre en question le capacitisme des campagnes de sensibilisation à l’autisme, de la défense des droits et de la recherche. C’est-à-dire les barrières et les attitudes persistantes qui valorisent et favorisent les personnes valides. Cela dévalorise et exclut la différence incarnée, ou ne considère l’autisme que comme quelque chose qui doit être « surmonté ». Les gens ne surmontent pas l’autisme, ils vivent avec. Et beaucoup vivent avec joie.

2. Le point de vue

L’accent mis sur la sensibilisation à l’autisme privilégie le point de vue des personnes non autistes. Les organisations qui soutiennent la sensibilisation, comme Autism Speaks, sont dirigées principalement par des personnes non autistes. Aussi, elles comprennent rarement des adultes autistes. 

Remettre en question le capacitisme signifie également remettre en question le leadership et le pouvoir de campagnes telles que Light It Up Blue pour l’autisme et la Journée mondiale de l’autisme. Plutôt que de nous concentrer sur les organisations caritatives et d' »aider », nous devons porter notre attention sur:

  • La défense des droits
  • Les activités alternatives
  • Les formes de soutien
  • La recherche menées par les personnes autistes elles-mêmes

3. Leadership

Il reste encore beaucoup à faire pour mettre en place des politiques et des pratiques accessibles et culturellement pertinentes pour les enfants et les adultes autistes. En effet, on exclut ces derniers des considérations politiques. L’absence persistante de conseils et de leadership des personnes autistes nous rappelle douloureusement le besoin de leur perspective. Cela souligne aussi que les vies qui s’écartent de la « normalité » sont définies par ceux qui contrôlent ces limites. 

Prendre au sérieux les perspectives avancées par les personnes autistes, c’est leur demander quels types de soutien peuvent faire une différence qualitative dans leur vie. Cela signifie qu’il faut se tourner vers le vaste corpus de travaux réalisés par des personnes parlantes et non parlantes qui s’identifient comme autistes. Cela signifie qu’il faut s’éloigner des lumières bleues, des rubans et autres gadgets, et travailler à une remise en question durable du capacitisme systémique.

4. Neurodiversité

Connaître ou s’informer sur l’autisme, c’est apprécier les grandes différences entre les personnes autistes et les nombreuses variétés de ce que cela signifie d’être autiste. Toutes les personnes autistes ne se ressemblent pas et, heureusement, il existe aussi de nombreux points de vue. On doit abandonner et remplacer l’idée de l’autisme comme trouble et fardeau par une forme de neurodiversité embrassant la diversité.

5. L’inclusion

Nous devons reconnaître et rectifier l’exclusion persistante des perspectives et des initiatives avancées par les membres des communautés autochtones, noires et de couleur (PANDC) dans les campagnes de sensibilisation à l’autisme, ainsi que dans le diagnostic et le soutien. Il s’agit notamment d’embrasser les différentes compréhensions culturelles de l’autisme qui s’écartent de l’optique biomédicale occidentale axée sur les déficits.

En ce mois d’avril, et chaque mois, nous vous invitons à reconsidérer la signification du Mois mondial de l’autisme du point de vue des personnes autistes elles-mêmes.

The Conversation Canada a originalement publié cet article. La version originale est disponible ici.

 

Sources : Remettre en question le capacitisme systémique envers l'autisme